Si vous deviez choisir parmi toutes les magnifiques expositions du moment, dirigez-vous toutes affaires cessantes à la Fondation Cartier, boulevard Raspail à Paris, pour découvrir la superbe proposition autour de l’artiste colombienne Olga de Amaral.
J’avoue n’avoir jamais entendu parler de cette artiste jusqu’à ce que des commentaires éblouis sur les réseaux sociaux ou ceux de voix amies me portent jusqu’à cette visite enchanteresse. Le fait d’avoir un regard pur, une approche uniquement sensorielle pour appréhender l’exposition était très jouissive. Le soleil de ce dimanche matin d’hiver, les feuilles vertes des arbres visibles par les grandes baies vitrées de la Fondation Cartier ont ajouté du plaisir à cette découverte.
J’apprends vite par les cartels et le document d’aide à la visite qu’Olga de Amaral est née à Bogota en 1932, qu’elle a été formée dans les années 1950 à l’architecture en Colombie puis à l’académie de Cranbrook aux Etats-Unis où elle est sensibilisée aux influences du mouvement Bauhaus. Elle découvre alors le design textile et la technique du tissage et contribue dans les années 1960 et 1970 au développement du Fiber Art, mouvement auquel appartiennent des artistes telles Anni Albers, Sheila Hicks ou Magdalena Abakanowicz.
Les deux salles du rez-de-chaussée sont éblouissantes. La première, intitulée « Tisser le paysage » présente des panneaux monumentaux réalisés principalement en laine et crin de cheval. On est happé par cet espace inédit, par ces tableaux abstraits conçus dans des matières inhabituelles et presque rassurantes, par l’intelligence de la mise en espace que l’on doit à l’architecte franco-libanise Lina Ghotmeh. La présence minérale de grosses pierres d’ardoise contribue à dessiner le paysage qu’évoque les murs tissés.
La seconde salle du rez-de-chaussée nous enveloppe et nous trouble. Où sont les limites entre l’intérieur et l’extérieur ? La scénographie mêle l’architecture du bâtiment de Jean Nouvel et celle du jardin conçu par Lothar Baumgarten aux œuvres d’Olga de Amaral, les Brumas (Brume), série initiée en 2013. Les vingt-trois pièces présentées sont constituées de milliers de fils de coton enduits de gesso et recouverts de peinture acrylique. Je lis qu’« elles apparaissent comme des représentations métaphoriques de l’air et de l’eau ». Tissées en trois dimensions, monumentales également, leur aspect aérien est accentué par la transparence des fils et leurs légers balancements. En tournant autour des œuvres, on découvre des motifs peints qui apportent de subtiles touches de couleur à cette traversée. La couleur est l’une des grandes affaires de l’artiste : « Je vis la couleur. Je sais que c’est un langage inconscient et je le comprends. La couleur est comme une amie, elle m’accompagne. » a-t-elle joliment écrit.
Descendons à l’étage inférieur où se poursuit l’exposition. Les volumes sont différents, l’extérieur ne pénètre plus, la scénographie s’y adapte. Le motif de la spirale est le fil conducteur de cette déambulation où l’on suit petit à petit les explorations artistiques développées par Olga de Amaral depuis cinq décennies. Organisée chronologiquement, cette deuxième partie nous donne quelques clefs pour comprendre les recherches de l’artiste. L’héritage du Bauhaus lui a, entre autres, appris l’abolition de la séparation entre l’artiste et l’artisan. Ainsi affirme-t- elle tout au long de son travail des avancées toujours plus audacieuses en utilisant de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques inspirés par des techniques traditionnelles populaires de son pays qu’elle associe aux dynamiques de l’art abstrait post Seconde Guerre mondiale. Et elle s’adjoint la collaboration de plusieurs artisanes colombiennes qui l’accompagneront tout au long de son travail.
Deux choses m’ont particulièrement frappée dans cette salle : d’une part la manière dont les œuvres, affleurant le sol ou en suspension, délimitent l’espace et d’autre part, outre l’importance de la couleur et des évolutions techniques, l’apport magnifique qu’apporte la feuille d’or à de nombreuses pièces. Cet élément devient dès le milieu des années 1980 l’un des matériaux de prédilection d’Olga de Amaral qu’elle applique sur les fils de coton ou directement sur la surface d’œuvres rendant le tissu presque invisible. Recherche de la lumière mais aussi connotation sacrée – le doré est celui des autels des églises baroques de Bogota -, autant d’éléments qui indiquent le caractère mystique de ses pièces. La dernière salle consacrée à la série Estrelas, en constitue le point culminant. Ces stèles dorées qui pourraient représenter des menhirs, des totems ou des pierres stellaires évoquent, selon les commissaires de l’exposition, des sculptures funéraires ou votives monumentales des grands sites archéologiques précolombiens. Sans posséder spontanément ces références, nous sommes saisis par l’émotion voire le recueillement.
Olga de Amaral, artiste dont la renommée internationale n’est plus à faire, voit avec cette première grande rétrospective en France, une reconnaissance publique évidente. En témoigne le succès de l’exposition. Il ne faut pas la rater, en prenant la précaution de réserver ses places sous peine de ne pouvoir vivre ce grand moment.
J’aime qu’une exposition me raconte une histoire ou me permette d’en imaginer une.
Ainsi la magnifique exposition « Perspective » consacrée à Richard Peduzzi par le Mobilier national dans la Galerie des Gobelins m’a immergée dans une cinquante années de ses réalisations, de 1972 à aujourd’hui, réunissant peintures, dessins, croquis, maquettes de décors, mobilier, luminaires, objets, tapis et tapisseries.
Si le nom de Peduzzi est indissociable de celui de Chéreau pour avoir réalisé tous les décors de ses mises en scène de théâtre et d’opéra, l’exposition permet de prendre la mesure de son œuvre pluridisciplinaire, dans ses intrications et ses prolongements, offrant ainsi une vision globale de son itinéraire artistique.
La déambulation, scénographiée par l’artiste lui-même, non chronologique, m’a invitée à plonger dans son univers, depuis son travail de peintre à celui de décorateur, de concepteur d’espaces muséaux à ses interventions dans des projets architecturaux et à ses créations de mobilier et d’objets.
D’une enfance normande cabossée entre le Havre et Verneuil-sur-Avre dans l’immédiate après-guerre, Richard cherche sa place, sa voie…Il ignore alors combien les paysages de son enfance resteront à jamais une immense source d’inspiration : « …ce sont toujours les mêmes obsessions : les quais, les bâtiments industriels, les reflets, les palais désaffectés. C’est Le Havre qui me revient par bouffées à chaque fois, cette étrange odeur du Havre et son ciel.[1] » Lorsqu’il arrive à Paris, à l’âge de 16 ans, il est déterminé à devenir peintre et rencontre deux ans plus tard Charles Auffret qui sera son premier « maître ». Mais l’ambiance de l’atelier lui semble austère, il veut « sentir la vie autour de (lui) ». En 1967, deux rencontres vont faire basculer son destin : celle de son premier amour, Marianne Merleau-Ponty et de sa mère Suzanne, qui vont lui permettre de «changer (sa) ligne d’horizon, (sa) façon de voir et d’appréhender le monde » puis d’un jeune metteur en scène, Patrice Chéreau : « Dès lors, nous ne sommes jamais plus quittés.[2] » Ces « coups de chance », comme il les décrit, ne vont pas s’arrêter là. Sur le plan personnel, il tombe amoureux en 1974 de Pénélope Chauvelot, lorsqu’elle apparait, tel un miracle, sur le port de Portofino. Il la retrouve en 1980, pour le meilleur. Elle est « l’amour de sa vie » et la mère de ses enfants. Au chapitre professionnel, d’autres mondes s’ouvrent en parallèle au théâtre et à l’opéra lorsqu’il se voit confier des conceptions d’espaces comme la bibliothèque-musée de l’Opéra, des expositions à mettre en scène pour le musée d’Orsay ou le Louvre ou autres projets d’architecture et de décoration intérieure. Puis il est appelé en 1992 par Jack Lang pour diriger l’École des arts décoratifs (ENSAD), situation d’autant plus cocasse qu’il avait été recalé à son concours d’entrée bien des années plus tôt ! Après dix années, une nouvelle aventure l’attend : celle de devenir le directeur de la Villa Médicis à Rome où il restera six ans. Et depuis 1988 s’est engagée une collaboration avec le Mobilier national, partenaire de nombre de ses réalisations muséales et pour qui il a conçu une centaine de meubles. Il était donc « naturel et pour ainsi dire nécessaire d’organiser (…) cette exposition « Perspective » qui reflète si fidèlement l’univers polysémique de Richard Peduzzi.[3] » écrit Hervé Lemoine, président du Mobilier national et commissaire général de l’exposition.
« Perspective » se déploie sur les deux niveaux de la Galerie des Gobelins. Offrons-nous le privilège de nous laisser guider par Richard Peduzzi, grâce à un dialogue avec le journaliste Arnaud Laporte[4]…« (La Galerie des Gobelins) est un espace tout en longueur, c’est la grande difficulté. (…) L’essentiel étant que les visiteurs disposent de place et de tranquillité pour observer. L’espace se divise en cabinets invisibles qui structurent et concentrent ce que nous voulons montrer. Invisibles car il n’y a pas de cloisonnements entre eux, pas de séparations nettes »
Le rez-de-chaussée de la galerie offre une perspective magnifique. « Dès l’entrée, l’œil est immédiatement attiré par un tapis au fond de la galerie (…). Ce point de fuite est accentué par les cimaises bleues de chaque côté, fixées aux murs et sur lesquelles sont accrochés mes tableaux ».
Aquarelles, dessins et gouaches réalisés pour des décors de mises en scène de Chéreau principalement mais aussi de Luc Bondy ou Clément Hervieu-Léger m’émeuvent particulièrement, me proposant un voyage rétrospectif vers quelques uns des plus beaux spectacles de théâtre et d’opéra : La Dispute (1972), Peer Gynt (1981), Quai Ouest (1986) ou I Am the Wind (2011), L’Éveil du Printemps (2018) pour le théâtre, Le Ring (Bayreuth, 1976), Lulu (1979), Lucio Silla (1984), Wozzeck (1992) Don Giovanni (1992) ou Dela maison des morts (2007) pour l’opéra.
« (Les tableaux) entrent en discussion avec les meubles, que ce soit par les couleurs ou les traits (…) », souligne Richard Peduzzi.
L’iconique rocking-chair fait d’un seul ruban de bois mélaminé en merisier ou la table Pyramide frôlent des fauteuils et des poufs en velours de couleurs sous des lustres monumentaux. Ces passages, ces dialogues d’un support à un autre, d’un dessin à un décor, d’un décor à un fauteuil que Peduzzi décide de dessiner lui-même, faute de trouver le bon, pour Le Conte d’hiver mis en scène de Luc Bondy (point de départ de sa conception de meubles pour le Mobilier national), forment toute la richesse de « l’univers foisonnant de Richard Peduzzi où harmonie et dissonance, gravité et légèreté se côtoient » comme l’écrit Alizée David, co-commissaire de l’exposition. « Cet espace du rez-de-chaussée, entièrement bleu, offre une immersion dans mon univers, comme si le visiteur entrait chez moi. »
« Au premier étage de la galerie, une salle conçue comme un cabinet de curiosités présente des maquettes de décors de théâtre et d’opéra. » L’histoire que je suis venue chercher ici (et à laquelle j’ai très modestement participé lors de mes années d’attachée de presse du théâtre de Nanterre-Amandiers sous la direction de Patrice Chéreau et Catherine Tasca) est également racontée dans une formidable archive INA d’un documentaire d’Arnaud Sélignac (L’Envers du théâtre -1986) où l’on assiste à un dialogue entre Richard et Patrice à l’occasion de leur collaboration sur le décor de l’opéra Lucio Silla – La maquette du décor est également visible dans l’exposition – Leurs regards, leurs complicités, leur complémentarité, tout y est.
« Dans la salle suivante, de grands panneaux inclinés de couleurs sont adossés aux murs. On y retrouve d’autres maquettes aux côtés de dessins préparatoires et de peintures qui alimentent mon processus d’imagination dans la conception des décors. » Ce premier étage dévoile des carnets exposés pour la première fois et des croquis de recherche où couleurs et crayonnés montrent le work in progress de meubles.
Une dernière pièce impressionnante présente des tapis de très grands formats reproduisant quelques-uns des tableaux vus au rez-de-chaussée pour des décors. On découvre également des exemples d’aménagements réalisés pour l’Opéra Garnier, Orsay, le Louvre, le Château Mouton Rotschild de Pauillac ou la Scala à Paris.
Laissons le final cut à l’artiste : « Ce n’est pas pour rien que l’exposition n’est pas une rétrospective, C’est vraiment une « perspective », au sens où il faut investir le présent pour vivre intensément. Mais le présent ne dure qu’une seconde…. »
Richard Peduzzi. Perspective. Mobilier, décors, dessins16 oct 2024 -31 déc 2024
Galerie des Gobelins, 42 avenue des Gobelins 7503 Paris
[1]Percussion, discussion avec Arnaud Laporte, Actes Sud, 2024
Parmi les superbes expositions proposées cet automne à Paris, celle du musée de l’Orangerie nous permet de découvrir la collection exceptionnelle de l’un des principaux marchands d’art moderne des années 1950 aux années 1970, Heinz Berggruen (1914-2007).
Un exilé entre plusieurs mondes
Découvrir une collection c’est aussi aller à la rencontre de la vie et de la personnalité de celui qui l’a constituée. Le parcours d’Heinz Berggruen est, comme l’écrit son fils Olivier dans le catalogue de l’exposition[1], « une trajectoire faite de détours inattendus, celle d’un exilé permanent à cheval entre plusieurs mondes, cultivant malgré lui un certain cosmopolitisme éloigné du milieu conventionnel de son enfance. » De Berlin où il nait en 1914 dans une famille de la moyenne bourgeoisie juive, à la France où il entame des études de lettres, il émigre en 1936 aux Etats-Unis pour fuir les persécutions nazies. Étudiant, il complète sa maigre bourse en donnant des cours d’allemand ou en animant des petites fêtes au piano et à l’accordéon. C’est dans l’une de ces soirées qu’il rencontre celle qui deviendra sa première femme, Lillian Zellerbach. En dépit de ce mariage, il continuera à se sentir « terribly European » en Amérique. Il poursuit sa carrière de journaliste entamée à Berlin et publie ponctuellement quelques articles. Grâce à ses critiques régulières, il est embauché par le Museum of Modern Art de San Francisco en 1939. Sa mission d’assistant de l’artiste mexicain Diego Rivera pour une exposition va bouleverser sa vie : « La fascination qu’exerça sur moi Rivera est certainement ce qui me décida à chercher mon bonheur dans l’art », écrit-il dans sa passionnante autobiographie[2]. Il vivra alors une relation aussi intense que brève avec Frida Kahlo que Rivera avait tenu à lui présenter…Naturalisé américain, il est mobilisé en 1942 à l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Allemagne nazie. Il rentre enfin dans son pays natal en 1945 et collabore à la revue Heute, où il publie essentiellement des articles consacrés à la vie artistique. Mais c’est à Paris, à la faveur d’une mission à l’Unesco dont il se lasse rapidement, qu’il se lance dans le commerce de l’art et ouvre sa première galerie Place Dauphine. Ses voisins ne sont autres qu’Yves Montand et Simone Signoret. Ils cherchent à s’agrandir et lui rachètent son petit local (dont ils feront leur cuisine), lui permettant ainsi d’ouvrir en 1949, au 70 rue de l’Université, la galerie, « Berggruen &Cie », qu’il dirigera pendant plus de trente ans.
Marchand d’art
Son activité de marchand d’art (il n’aimait pas le terme galeriste), est présentée à la fin du parcours de l’exposition de l’Orangerie. « Mon activité reposait essentiellement sur un intense commerce de gravures et je ne tardai pas à faire partie, à Paris, des marchands d’art les plus actifs dans le domaine de la lithographie originale et des eaux fortes d’artistes célèbres, tels que Chagall, Miró et surtout Picasso.»3] Sans oublier Matisse.
On découvre une partie des affiches et des catalogues des expositions qu’il a organisées. La première, notoire, a lieu du 14 février au 8 mars 1952, accompagnée d’une monographie de Paul Klee, son artiste fétiche puisque l’œuvre initiale que Berggruen a acquise en 1940 est un dessin de Klee, devenu son « talisman ».
Il consacrera à l’artiste plusieurs expositions ainsi qu’à Picasso, Matisse ou Miró mais aussi à des peintres alors plus confidentiels à l’époque tels Kurt Schwitters, Karel Appel, Alberto Magnelli, Robert Motherwell, Antioni Tàpies, Serge Poliakoff ou Pierre Soulages. Il réussira à convaincre Dora Maar d’exposer en 1957 ses tableaux peints à Ménerbes où elle s’est isolée du monde. Mais elle refusera d’assister au vernissage.
Berggruen fut marchand d’art et collectionneur mais aussi un éditeur important à en juger par la qualité des catalogues qui accompagnaient les expositions (toujours des petits formats), des monographies d’artistes ou de véritables livres d’art. Sa curiosité lui a permis de rencontrer des acteurs majeurs de la vie intellectuelle parisienne et internationale, outre les artistes, des poètes, historiens, marchands et collectionneurs. Les contributeurs de ses catalogues illustrent l’excellence de ses réseaux.
Collectionneur
« Ma collection débuta de façon tout à fait modeste, aussi modestement que ma galerie, avant de devenir, au fil des années, une passion. Plus tard, il m’arriva d’avoir l’impression que ma galerie n’était qu’un prétexte pour agrandir ma collection. Petit à petit, je devenais mon « meilleur client ».[4]En effet, c’est son activité de marchand qui finance celle de collectionneur.
Le texte de salle introductif de l’exposition nous prévient : « En collaboration avec le Museum Berggruen / Neue Nationalgalerie Berlin, cette exposition met en lumière un échantillon de la collection personnelle du marchand d’art, qui rassemble des chefs-d’œuvre de Picasso, Klee, Matisse et Giacometti. Échantillon d’un goût qui s’est forgé tout au long de sa vie, cette collection démontre un attachement profond à l’art moderne et à ses figures emblématiques, auxquelles Berggruen restera toujours dévoué́. »
Une centaine d’œuvres nous sont présentées, dans un parcours thématique. Klee et Picasso dominent, répondant ainsi aux prévalences de Berggruen qui écrit à leurs sujets : « à mes yeux ils représentent les créateurs les plus importants de la première moitié du XXème siècle.[5] » Contrairement à Picasso que le collectionneur a rencontré dès 1959 par l’intermédiaire de Tristan Tzara, avec qui il a noué une relation amicale et professionnelle profonde jusqu’à la mort de l’artiste, il ne rencontrera jamais Paul Klee. Mais sa fascination pour l’artiste l’entrainera à acquérir un ensemble magistral de ses œuvres et à contribuer à promouvoir Klee comme un artiste majeur de l’art moderne. « C’est un monde de silence et de sons légers, de poésie et de musique douce. Ce royaume intime et caché réserve à tous ceux qui y pénètrent de nouvelles découvertes et de nouvelles surprises.», suggère Berggruen dans son autobiographie à propos de Klee. Quant à Picasso il écrit modestement : « Je n’ai jamais prétendu pouvoir explorer la richesse de Picasso dans toute sa diversité́, mais j’ai tenté, en collectionnant ses œuvres avec persévérance et rigueur, de donner une idée du cosmos de cet homme qui, comme aucun autre, incarna tout un siècle.[6]» L’exposition présente plusieurs pièces somptueuses de Giacometti.
Berggruen prend sa retraite de marchand d’art dans les années 1980 pour se consacrer à l’avenir de sa collection. Il offre de nombreuses œuvres de Klee au Musée national d’Art moderne à Paris (1972), ainsi qu’au Metropolitan Museum of Art à New York (1984).) Il fera don à Pompidou du lustre en plâtre de Giacometti suspendu dans sa galerie de la rue de l’Université et au Musée d’Orsay du Joueur de cartes de Paul Cézanne.
C’est une chance de pouvoir admirer deux oeuvres de Cézanne dans l’exposition parisienne car Berggruen s’était séparé d’œuvres de Van Gogh, Seurat et Cézanne pour resserrer sa collection autour du XXème siècle.
Sa collection est exposée dans plusieurs musées, comme le Musée d’art et d’histoire de Genève (1988) ou la National Gallery à Londres (de 1991 à 1996). Berggruen reprend la nationalité́ allemande et retourne vivre à Berlin en 1996 où sa collection est inaugurée la même année dans un bâtiment en face au château de Charlottenburg. C’est un véritable succès et les musées nationaux de Berlin en font l’acquisition en 2000. En 2004, pour ses quatre-vingt-dix ans, Heinz Berggruen voit le bâtiment et sa collection renommés Museum Berggruen.
« Sur la voie principale du commerce de l’art, j’ai rencontré quelques-uns des artistes les plus importants de ce siècle (…) Si mes tableaux procurent à ceux qui les verront dans les prochaines années à Berlin, un peu de la passion que j’ai éprouveé en les acquérant, et que j’éprouve à chaque fois que je les vois, alors ce chemin-là, je ne l’aurais pas parcouru en vain ». [7] Pour notre plus grand bonheur, nous avons la chance de les découvrir au musée de l’Orangerie jusqu’au 27 janvier 2025.
[1] [1] Heinz Berggruen, un marchand et sa collection, ed. Musée de l’Orangerie/Flammarion
Le nom de Sarah Bernhardt évoque une grande comédienne, une collectionneuse d’amants et de bijoux. L’exposition, proposée par le Petit Palais à Paris jusqu’au 27 août à l’occasion du centenaire de sa mort, élargit le propos et nous découvrons une artiste aux multiples talents et une femme moderne, indépendante, libre, courageuse et engagée. Quand même ! était sa devise.
Enfant illégitime née en 1844, délaissée par sa mère, Sarah passe quelques années au couvent avant de rejoindre Paris à la fin des années 1850 et devenir selon une « tradition » familiale, une demi-mondaine. L’un de ses protecteurs, le Duc de Morny, la fait entrer au Conservatoire avant son engagement, à l’âge de dix-huit ans, à la Comédie Française en 1862 dont elle sera exclue un an plus tard, victime de son caractère colérique et révolté. Elle y reviendra dix ans plus tard, par la grande porte. A vingt ans, elle devient mère. Son amant, le Prince de Ligne, ne reconnait pas son fils Maurice. Sarah l’élèvera seule.
Les années 1870 abriteront sa vie au milieu des artistes. Ses plus beaux portraits seront réalisés par ceux qui l’aiment et deviendront ses amis pour la vie, Georges Clairin et Louise Abbéma. Leur fréquentation, mais aussi celle de Gustave Doré, Alfred Stevens, ou Jules Bastien-Lepage conforte sa tentation à s’essayer elle-même à la peinture et à la sculpture. Et c’est l’une des grandes révélations de cette exposition que de découvrir les portraits et ses sculptures réalisés par Sarah, mis en scène dans la reconstitution de son atelier-salon où le Tout-Paris du Second Empire venait admirer ses œuvres. Nous traversons ensuite les décors des différents hôtels particuliers où elle a vécu dans le quartier alors à la mode la Plaine Monceau.
Nous sommes stupéfaits par ses goûts pour les animaux exotiques (alligators, lions ou léopards) ou étranges (dont les chauve-souris) qu’elle collectionne empaillés ou sculptés, ce qui n’exclura pas qu’elle élève chez elle chiens, tortues, caméléon, singe ou perroquet…. On constate également son inclination pour le morbide, en particulier pour les têtes de mort ou les cercueils. Scandaleuse ? Provocatrice ?
L’exposition retrace bien entendu la carrière de « La Divine ». Photos et affiches nous permettent de revisiter ses grands rôles au théâtre. Interprète fétiche de Victor Hugo (Ruy Blas, Hernani…), elle sera également celle de Victorien Sardou (Fédora, Théodora, la Tosca, Gismonda). Son répertoire inclue de grands classiques (Phèdre) et d’autres auteurs contemporains, tel Alexandre Dumas fils, pour La Dame aux Camélias. On la remarque dans des rôles de travestis, tels Hamlet, Lorenzaccio ou L’Aiglon. Cette confusion du « genre » si moderne aujourd’hui était fréquente au théâtre depuis le XIXème siècle. La taille filiforme, le physique androgyne de Sarah aidaient à l’exercice. Et on peut aisément imaginer que cette transgression, cette ambiguïté n’étaient pas pour lui déplaire.
Son sens du « marketing » et son talent de femme d’affaire sont indéniables. Quelle meilleure garantie pour assurer les bonnes conditions de ses spectacles que d’être à la tête du lieu de ses représentations ? Ainsi va-t-elle successivement diriger le Théâtre de la Porte Saint Martin, le Théâtre de la Renaissance puis le Théâtre des Nations, futur Théâtre Sarah Bernhardt, actuellement Théâtre de la Ville…
Peut-on dire que Sarah Bernhardt est la première influenceuse ? Elle a indéniablement le sens de la communication pour forger son image de star. Elle comprend vite l’importance de la publicité et saura commander à un jeune peintre pragois, Mucha, dont elle flaire tout de suite le talent, des affiches au format nouveau pour nombre de ses spectacles (Médée, Lorenzaccio, la Tosca….). Elle comprend également l’intérêt de prêter son nom et ses traits à des marques de savon, de biscuits et même de sardines ! Elle aime « faire le buzz » en utilisant la presse mais aussi mettre en scène sa voix et son image grâce à la photographie et au phonographe, ancêtre du magnétophone, qui vont pérenniser ce que le théâtre, art éphémère, ne peut faire. Elle jouera dans une dizaine de films de cinéma encore muet.
Paradoxalement son physique n’est pas à la mode lorsqu’elle débute, trop maigre selon les critères de l’époque. Dumas l’avait agréablement réduite à une « tête de vierge sur un corps de de balai », d’autres la surnommaient le « Squelette ». Mais elle va imposer sa silhouette et rapidement créer un style, son style : « Sarah réalisa entre son corps et les costumes une véritable fusion » affirme le journal L’illustré en 1892. Costumes de scène et costumes de ville, ses garde-robes vont suivre les tendances du moment tout en s’en affranchissant par l’ajout de ses touches personnelles. Photos et tableaux témoignent dans l’exposition de l’importance de ses tenues, de ses accessoires et de ses bijoux.
Sarah vit entourée d’une cour dont fait partie sa lignée. Elle a un véritable esprit de famille, qui malheureusement lui procurera aussi de grands chagrins : ses demi-soeurs vont chacune succomber aux ravages de la drogue et son fils, infatigable joueur, sera toujours à sa charge même lorsqu’il sera père de famille. Ses récompenses sont ses deux petites filles adorées, Simone et Lysiane. Grande séductrice, collectionneuse d’amants, Sarah a également des amitiés féminines. Peu d’hommes lui résistent : auteurs, acteurs, peintres….Comme l’écrit la biographe Claudette Joannis. » Il n’est pas toujours facile de saisir dans sa vie amoureuse la part du coeur et celle de l’ambition ou de la vanité« .
La notoriété de Sarah a traversé les frontières grâce à ses très nombreuses tournées sur les cinq continents. « J’ai traversé les océans emportant mon rêve d’art en moi, et le génie de la nation a triomphé !» a-t-elle déclaré au Figaro le 9 décembre 1896. Une cinquantaine de tournées aux Etats-Unis mais aussi la Russie, la Scandinavie, l’Angleterre, l’Italie, l’Égypte, la Turquie, l’Australie….Sarah Bernhardt sera non seulement l’ambassadrice du théâtre français à l’étranger, mais aussi celle de la mode et du luxe hexagonaux.
« Personnage fabuleux, légendaire. Incomparable actrice absolument géniale. Je dirais même plus, géniale à volonté », s’est exclamé son ami Sacha Guitry. Mais aussi une femme engagée dans son siècle : entre autres, elle apportera son soutien aux poilus pendant la guerre 14-18 et prendra position pour le Capitaine Dreyfuss pendant « l’Affaire », s’opposant sur ce point à son fils et à de nombreux amis. Ce choix était-il en relation avec les origines juives de sa mère ? C’est une question qui n’est jamais abordée dans l’exposition. Baptisée, Sarah recevra l’extrême onction à sa mort. Mais pour les antisémites, Sarah était juive comme en attestent d’épouvantables caricatures présentées au Petit Palais.
L’exposition se termine par l’évocation de Belle-Île-en-Mer où la comédienne a fait l’acquisition en 1894 d’un ancien fortin désaffecté à la Pointe des Poulains où elle aimait passer une partie de l’été avec son fils, ses petites filles et de nombreux amis. « J’aime venir chaque année dans cette île pittoresque, goûter tout le charme de sa beauté sauvage et grandiose. J’y puise sous son ciel vivifiant et reposant de nouvelles forces artistiques » écrit-elle en 1905.
Le 26 mars1923, elle meurt à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Le 29 mars une foule immense l’accompagne jusqu’au cimetière du Père Lachaise. Rideau.
Sarah Bernhardt Et la femme créa la star
Petit Palais jusqu’au 27 août 2023
petitpalais.paris.fr
L'exposition consacrée à Pierre Dac au mahJ en 2020 avait été interrompue brutalement par l'épidémie de Covid. Le musée d'art et du Judaïsme a la bonne idée de la reprendre jusqu'au 27 août prochain. Je publie à nouveau la chronique que j'avais alors consacrée à cette formidable proposition et à son sujet irremplaçable.
Consacrer aujourd’hui une exposition à Pierre Dac est une entreprise de salut public. L’enjeu était d’autant plus risqué que rien ne pouvait garantir qu’un tel personnage puisse vivre ou revivre sur les murs d’un musée. Un vrai pari. Gagné ! Gagné par la force de la scénographie qui nous entraîne dans un parcours à la fois chronologique et thématique de l’artiste; gagné par la richesse des archives visuelles et sonores réunies par Jacques Pessis et Anne Hélène Hoog, tous deux commissaires de l’exposition; gagné par le point de vue qui préside à cette présentation : celui de dépasser l’image d’amuseur qui colle à Pierre Dac pour nous faire découvrir un homme complexe, engagé dans son temps et ses combats, un artiste à la fois populaire et exigeant, un surdoué des mots, de la langue française et de ses avatars (argot, contrepèterie, associations…), un français patriote, un juif dans sa chair, un amoureux de sa femme à qui il tiendra sa promesse de se convertir au catholicisme pour l’épouser religieusement.
« Si l’existence est une course d’obstacles, la vie est une marche d’épreuves » a écrit Pierre Dac. Sa vie ou plutôt celle d’André Isaac commence en 1893 au sein d’une famille juive alsacienne qui s’installe à Paris en 1896 au coeur du quartier de La Villette, où son père est boucher. Il devient Pierre Dac en 1922 sur la scène de La Vache enragée, un cabaret où raisonnent ses premiers textes dans l’esprit Louchebem, l’argot des bouchers. Sa carrière naissante de chansonnier le propulse dès 1934 comme Le Roi des Loufoques. Pierre Dac a saisi l’absurdité du monde au sortir de la Grande Guerre où il s’était engagé, où il fut gravement blessé au bras et où son frère ainé est mort pour la France. Et si, face à la perte de sens qu’offre ce mode ébranlé, l’humour, le rire étaient des armes ? Pierre Dac a compris la force des mots, de la langue et ne va cesser de les utiliser pour sauter « les obstacles de l’existence et les marches de la vie ». Il ne s’inscrit ni comme militant politique, ni comme théoricien du verbe. Il consacre sa vie et ses textes à combattre toute forme de bêtise ou d’autoritarisme, toute entrave à la dignité ou à la justice, tout obstacle à la liberté. Avec une arme imparable : le rire. Avec tous les moyens qu’il pourra mettre à sa disposition : le cabaret, la radio, la presse puis la télévision, la littérature et le cinéma.
Il devient un humoriste professionnel, un artiste populaire en empathie avecle public. La radio arrive très vite dans son parcours : dès 1936, on l’entend sur les ondes de Radio Cité, fondée par Marcel Bleustein-Blanchet, puis en 1937 sur Le Poste parisien où il présente en public et en direct l’émission « La Société des Loufoques » et le jeu La Course au trésor. Le succès de ses émissions va lui ouvrir les portes de la presse écrite en 1938 : les frères Offenstadt, aux manettes de la Société parisienne de presse, lui permettent la création du journal satirique L’Os à moelle qui, dans cette période de « drôle de guerre », enchante des milliers de lecteurs : les premiers numéros se vendront à 400.000 exemplaires.
S’il participe à quelques tournées avec le Poste parisien et le Théâtre des armées à la déclaration de guerre en 1939, il comprend dès 1940 l’urgence de quitter Paris pour échapper à une arrestation. Antinazi de la première heure, l’Os à moelle était devenu sa tribune de prédilection pour s’opposer à la montée des fascismes et à l’extrême droite française. Résistant, il cherche à rejoindre De Gaulle à Londres. Avec celle qui deviendra sa femme, la comédienne Dinah Gervyl, il se rend d’abord en Bourgogne avant Toulouse où la mère de Dinah soutient un réseau de résistants. Il parviendra enfin en Angleterre en 1943 non sans avoir connu plusieurs arrestations et détentions. A partir de d’octobre 1943, il devient l’une des voix de la BBC pour l’émission « Les Français parlent aux Français ». Dès l’instant où il prendra la mesure de l’horreur des crimes nazis et de ceux des miliciens, il n’aura de cesse, jusqu’en août 1944, de fustiger laFrance pétainiste et les occupants, en rédigeant plus de quatre-vingt éditoriaux et chansons pour la radio, et des articles dans le journal de la France libre, France. Son texte magistral « Bagatelle pour un tombeau » que donne à lire ou relire l’exposition, adressé à Philippe Henriot, secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande du gouvernement de Vichy et orateur de Radio-Paris, expose de manière bouleversante l’attachement de Pierre Dac à son identité française et à la France. Le pays le récompensera de ses activités par la médaille de la Résistance française puis par sa nomination de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur en 1946.
Les années 1950 vont être celles de ses grands « tubes ». Sa rencontre avec Francis Blanche en 1947 inaugure la formation d’un duo culte qui vaoffrir une palette réjouissante d’innombrables sketches, émissions et feuilletons. A la scène, ils triomphent dans plusieurs cabarets dont Les Trois Baudets avec la revue Sans issue !d’où surgit du fameux concept du « schmilblick » -qui pourrait être la contraction des termes yiddish blick (« regard ») et schlemiel (« idiot »)-, mot qui rentrera dans la langue française pour désigner un « machin ». A la radio, les deux comiques mettent leurs talents au service de Paris Inter avec l’émission Le Parti d’en rire (qui deviendra Faites chauffer la colle). Plus tard, Signé Furax nourrira 1300 épisodes entre 1956 et 1960 sur Europe n°1.
Peut-on imaginer que l’homme au pouvoir de faire rire tant de spectateurs et d’auditeurs puisse être le même qui, depuis 1946, souffrait d’un état dépressif profond ? Peut-on croire qu’il répétera par quatre fois la tentative de se suicider à la fin des années 1950 ? Les horreurs de la guerre et de la barbarie nazie ont transformé sa vision du monde. Du registre loufoque il passe à une posture plus philosophique. Son combat contre le racisme et l’antisémitisme se concrétise dans une série de papiers pour la revue de la LICA, Le Droit de vivre. Sa critique du monde politique et des élites s’incarne dans sa candidature à l’élection présidentielle de 1965. Son parti, le M.O.U (Mouvement ondulatoire unifié) ) propose le slogan imparable : « Les temps sont durs, vive le M.O.U » ! Jacques Martin aurait été Premier ministre, Jean Yanne et René Goscinny ministres de son gouvernement. En mars 1966, il n’hésite pas d’incarner un président de tribunal dans le spectacle L’instruction (Der Ermittlung) du dramaturge allemand Peter Weiss monté par Gabriel Garran au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, tiré des minutes du procès de Francfort-sur-le-Main jugeant, de décembre 1963 à août 1965, vingt-deux responsables et gardiens du camp d’extermination d’Auschwitz.
Il s’en est expliqué : « Je suis avec vous, car c’est mon devoir. Cette aventure est indispensable ! Il faut par tous les moyens que la trace de faits aussi dramatiques demeure présente dans toutes les mémoires, afin qu’ils ne se reproduisent jamais ». Témoin de son époque et acteur de l’Histoire, Pierre Dac a resserré son lien au judaïsme depuis la fin de la guerre. Son texte paru en 1974, un an avant sa mort, dans Le Journal des communautés, intitulé Ecoute Israël, évoque la résurrection du peuple juif après l’extermination, tout comme cette « pensée » : « L’âme des justes qui ont péri dans les fours crématoires est immortelle. La preuve, dans le ciel, j’ai vu briller des étoiles jaunes. »
A une époque où les ondes, la télévision et les scènes sont saturés par les « comiques », il est urgent de rendre à Pierre Dac sa visibilité et de comprendre sa contemporanéité. Il est le précurseur et l’inspirateur de toute une génération d’humoristes déjà disparus tels Coluche, Pierre Desproges ou Jean Yanne mais aussi plus près de nous des Nuls, de François Morel et de bien d’autres.
Pierre Dac, le parti d'en rire jusqu'au 28 août 2023
catalogue "Pierre Dac, du côté d'ailleurs", Gallimard/mahJ, 29 €
Musée d’art et d’histoire du Judaïsmewww.mahj.org
Impressionnante exposition que celle de Miriam Cahn, artiste suisse de 73 ans, très tôt engagée dans les mouvements féministe et anti-nucléaire. Ma pensée sérielle, présentée au Palais de Tokyo jusqu’au 14 mai, est la première grande rétrospective consacrée en France à l’une des plus importantes artistes de la scène contemporaine.
Des visages nous regardent, nous interpellent. Des corps nus, sexués, essentiellement féminins, s’imposent. D’autres toiles, de grands aplats noirs ou des compositions très colorées, se répondent. Les toiles sont accrochées sans cadre. De salle en salle, la force inouïe de cette œuvre si singulière nous saisit. « Une exposition est une œuvre en soi et je l’envisage comme une performance », nous précise l’artiste.
Une absurde polémique vient d’éclater sur les réseaux sociaux qui démontre combien l’œuvre de Miriam Cahn est puissante, voire dérangeante. Son engagement dans son siècle et dans les combats qui l’agitent, sa révolte contre les horreurs du monde, sont inscrits dans chaque toile, qu’il s’agisse du corps de la femme, du dérèglement climatique et ses conséquences humanitaires ou des désastres engendrés par la guerre. Elle dénonce toute forme de violence.
Et voilà qu’un pseudo critique d’art s’insurge contre une toile intitulée Fuck Abstraction où ce dernier y voit l’image d’un enfant contraint à pratiquer une fellation sur un adulte. « Décrochez-moi ça vite fait, c’est insupportable !» clame cet animateur-critique sur Twitter. Or cette toile réalisée en écho aux exactions commises en Ukraine présente non pas un enfant mais deux adultes. « Il s’agit d’une personne aux mains liées, violée avant d’avoir été tuée et jetée dans la rue. La répétition des images de violence dans les guerres ne vise pas à choquer mais à dénoncer », précise Miriam Cahn « Qui peut, honnêtement, percevoir cette peinture comme incitative ? L’art doit pouvoir montrer le réel dans ce qu’il a de monstrueux. C’est précisément l’une de ses fonctions que de pouvoir, parfois, heurter », rappelle opportunément le philosophe Sami Biasoni.
Courez découvrir l’œuvre de Miriam Cahn, radicale et lumineuse. Elle nous accompagne longtemps après avoir quitté les salles du Palais de Tokyo.
Miriam Cahn "Ma pensée sérielle"Palais de Tokyo jusqu'au 14 mai 2023 / palaisdetokyo.com
Connaissez-vous Faith Ringgold ? Personne ne vous en voudra d’ignorer le nom de cette artiste noire américaine à qui le Musée Picasso a l’excellente idée de consacrer sa nouvelle exposition. Seuls les veinards qui se trouvaient à Londres en 2019 où elle fut exposée à la Serpentine South Gallery ou en 2022 à New York à l’occasion de l’exposition Faith Ringghold, American People au New Museum auraient pu la découvrir récemment. L’artiste a attendu 92 ans pour que son pays (et sa ville natale) lui consacrent cette première rétrospective ! C’est dans le prolongement de cette exposition newyorkaise que le Musée Picasso présente pour la première fois en France l’œuvre de cette figure majeure d’un art engagé, l’une des fondatrices de la scène artistique féministe noire américaine.
« La question était simplement de savoir comment être noir en Amérique. Il n’y avait aucun moyen d’échapper à ce qui se passait à l’époque [les années 1960] ; il fallait prendre position d’une manière ou d’une autre, car il n’était pas possible d’ignorer la situation : tout était soit noir, soit blanc, et de manière tranchée. »
Née en 1930 à New York dans le contexte de la Grande Dépression et de la ségrégation sociale, Faith grandit dans un environnement artistique et intellectuel stimulant à l’heure du mouvement de renouveau de la culture afro-américaine intitulé « Renaissance de Harlem » d’où émergeront moult musiciens, peintres ou écrivains. Elle suit des études artistiques puis enseigne les arts plastiques dans les écoles publiques de New York. Mais elle refuse d’être assignée à sa position d’enseignante. Elle nourrit sa sensibilité artistique par ses visites dans les musées où elle découvre l’art moderne européen et bientôt l’expressionnisme américain dans des salles du MoMa. Elle suit sa détermination de devenir une femme libre et une artiste, combats qu’elle va gagner simultanément à son engagement dans les luttes qui culminent dans l’Amérique des années 1960 autour des droits civiques des Africains-Américains. Mère de deux filles nées en 1952, à onze mois d’écart, elle divorcera rapidement de leur père pianiste de jazz et épousera en 1964 Burdette Ringgold décédé en 2020.
« Son parcours même, qui s’apparente à une course d’obstacles depuis l’oppression raciale, sexuelle, sociale, artistique, littéraire, fait œuvre sous une forme autobiographique et d’autofiction multiforme et exemplaire », constate Cécile Debray, commissaire de l’exposition et présidente du Musée national Picasso-Paris. Présenté au rez-de-chaussée de l’Hôtel Salé, le parcours nous permet de découvrir un ensemble d’œuvres majeures de l’artiste où se confrontent grande modernité et lointaines traditions, textes et images aux couleurs éclatantes, proposés sur des supports qui évoluent de la toile traditionnelle au textile, en passant par la performance.
« Je voulais m’engager désormais dans la « lumière noire », dans des nuances chromatiques subtiles et dans des compositions basées sur mon intérêt nouveau pour les rythmes et les motifs africains. »
Ces mots de Faith Ringgold illustrent sa deuxième grande série Black Light, (1967), composée de douze toiles monochromes où elle exalte la beauté « afro » nouvellement reconnue, célébrée notamment par le slogan Black is beautiful . Cet ensemble qui fait suite à American People (1963-1967), série influencée par les écrits de Baldwin et LeRoi Jones, constitue un tournant dans son œuvre. Axé sur le racisme ordinaire dans l’ american way of life , American People propose dans un style « super réaliste » des portraits de Blancs et de Noirs dont la force n’est pas sans rappeler, dans un tout autre style, la présence des visages des tableaux d’Alice Neel, à qui le Centre Pompidou a récemment consacré une superbe exposition. Ce rapprochement tout à fait subjectif n’est sans doute pas le fruit du hasard car l’artiste blanche américaine, née 20 ans avant Faith Ringghod, avait été l’une des premières à peindre des figures issues des minorités et à avoir milité en faveur de la parité des femmes et des artistes noirs dans des expositions. Revenons à Faith Ringghold : trois tableaux impressionnants à vocation politique sont présentés en clôture de cette section. Ils s’inscrivent dans la lignée du Guernica de Picasso, en particulier Die (Meurt !), manifeste en écho aux violents soulèvements de l’été 1967. Un face à face avait eu lieu avec Picasso en 1969 au MoMa lorsque cette toile avait été présentée en face des Demoiselles d’Avignon.
« Dans les années 1970, j’ai découvert mes racines dans l’art africain et j’ai commencé à peindre et à créer un art correspondant à mon identité de femme noire. J’ai fait des poupées et des masques inspirés de ma peinture. J’ai commencé à écrire dans mon art et à raconter mon histoire non seulement avec des images mais aussi avec des mots et des performances masquées. »
Cette période est ouverte par une série de Tankas, à l’instar des peintures tibétaines et népalaises sur tissu du XVe siècle que l’artiste découvre lors d’une visite au Rijksmuseum d’Amsterdam. Elle s’approprie cette technique en 1974, créant sa première série picturale textile de dix-neuf peintures Slave Rape. Les bordures décoratives sont conçues par sa mère styliste, Willy Posey, début d’une longue collaboration. Cette expression textile se prolonge avec Quilts peints, une histoire revisitée. « The French collection » (1991-1994). La fabrication du quilt est issue d’une tradition afro-américaine ancestrale : les femmes s’asseyaient en cercle et cousaient ces sortes de dessus de lit en racontant des histoires. Ainsi l’artiste renoue avec cette coutume pour cette série ambitieuse, récit d’une jeune artiste africaine américaine (son alter égo ?) cherchant sa voie dans le Paris et le New York des années 1920. Elle croise les chemins, entre autres, de Picasso, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Monet ou Gertrude Stein. Cette promenade mi-autobiographique, mi-imaginaire est l’occasion pour Faith Ringgold d’affirmer : « Avec « The French Collection », je voulais montrer qu’il y avait des Noirs à l’époque de Picasso, de Monet et de Matisse, montrer que l’art africain et les Noirs avaient leur place dans cette histoire. » Faith Ringgold a par ailleurs nourri de récits imaginaires de nombreux livres pour enfants, autre versant de sa production encore inédit en France.
Une dernière salle nous invite à un spectacle-performance qu’elle avait présenté dans des universités américaines, The Wake and Resurrection of the Bicentennial Negro (1975-1989), en réponse à la commémoration du bicentenaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776. Le son du gospel qui enveloppe masques et poupées nous émeut.
Ringgold is beautiful ! Telle est notre conclusion.
FAITH RINGGOLD
Musée Picasso Paris
Jusqu’au 2 juillet 2023
#RinggoldPicasso
Qu’est une autochrome ? En avez-vous déjà vu ? L’actualité culturelle fait bien les choses car une magnifique exposition intitulée « 1,2,3 couleur ! L’autochrome exposée » est présentée au Château de Tours par le Musée du Jeu de Paume jusqu’au 28 mai 2023. » Tours ? Mais c’est loin ! » diront certains. Non, il faut à peine une heure quinze pour rejoindre cette jolie ville en train. Et il y a de très bonnes raisons à faire ce voyage. Car, si prendre le train est un déplacement, se laisser transporter au début du XXème siècle à travers les portraits, paysages, natures mortes mais aussi images médicales ou témoignages de la Guerre 14-18, est un voyage enthousiasmant.
A cette occasion, Elisabeth Nora, co-commissaire de « 1,2,3 couleur ! L’autochrome exposée» avec Soizic Audouard et Quentin Bajac, nous éclaire sur l’histoire de ce procédé photographique, ancêtre de la diapositive couleur, et sur les enjeux de cette exposition conçue principalement autour de la collection AN qu’elle a constituée avec Soizic Audouard. Une autre collection, celle de la Médiathèque du patrimoine et de la photographie, complète le parcours en présentant des autochromes réalisés pendant la guerre 1914-1918, images qui documentent de manière rare et saisissante cette période.
Racontez-nous l’arrivée de cette nouvelle technique que constitue l’ autochrome dans l’histoire de la photographie ?
Une autochrome est constituée d’une plaque de verre sur laquelle repose une matière composée d’une mosaïque de petits grains de fécule de pomme de terre teintés en rouge orangé, bleu-violet ou vert, recouverts d’une pellicule photosensible en noir et blanc. L’invention en revient aux Frères Lumière, plus particulièrement à Louis qui a passé sept ans à mettre au point ce procédé dont il a déposé le brevet en 1903. Cette invention est d’autant plus remarquable que des scientifiques comme Louis Ducos du Hauron essayaient de trouver le moyen de reproduire le réel en couleur depuis l’invention de la photographie, soixante ans auparavant. Mais les industriels lyonnais, déjà fabricants à grande échelle de la pellicule photographique en noir et blanc, ne se contentent pas d’inventer ce procédé. Ils le commercialisent en 1907 et se donnent les moyens de sa diffusion pour le rendre accessible au plus grand nombre. Il s’agit donc du premier procédé industriel de la photographie couleur.
Qui sont les premiers utilisateurs de ce nouveau procédé ?
Les plaques coutent trois fois plus cher que celles en noir et blanc. Ce sont surtout des amateurs, membres de sociétés photographiques qui s’en emparent. Mais également des scientifiques, en particulier des médecins qui réalisent des images médicales projetées à des fins pédagogiques à leurs étudiants pour les informer, par exemple, des maladies de peau. L’exposition présente quelques exemples de ces autochromes médicaux.
La manière dont les photographes se sont emparés du procédé en utilisant sa matérialité, soit pour l’améliorer, soit pour en faire des objets artistiques est remarquable. Par exemple, Léon Gimpel, journaliste à L’Ilustration, améliorera le procédé en fonction de ses besoins. En particulier, il travaillera les émulsions, augmentant ainsi la sensibilité des plaques pour sortir de la fixité du sujet car, contrairement à la photo noir et blanc où l’instantané est possible, il faut théoriquement pour les autochromes choisir des sujets immobiles : des paysages, de l’architecture, des natures mortes, des sujets posés. Gimpel a ainsi pu prendre des photos de nuit comme photographier les illuminations des Grands Magasins…
Sur le versant artistique, le procédé offre un effet qui répond à l’esthétique de l’époque : celui du pictorialisme, mouvement né à la fin du XIXème siècle où l’intervention du photographe sur le tirage donne un côté pictural à la photo. La chimie de l’autochrome offre à chaque plaque réalisée, objet unique par définition, un rendu très tendre, un charme singulier à travers la subtilité et les nuances des couleurs. Et des photographes déjà affirmés tels Henrich Kühn, Paul Burty Haviland, Edward Steichen ou Alfred Stieglitz, vont être rapidement séduits par cette technique. Ce dernier déclare en 1907 : « Bientôt, le monde entier sera fou de couleurs, et Lumière en sera responsable ».
Familier des Frères Lumières, Albert Kahn est l’un des grands initiateurs de l’utilisation de l’autochrome dès l’accessibilité du procédé. Il va demander aux expéditionnistes et géographes qu’il envoie à travers le monde afin de réaliser son grand projet des « Archives de la planète » de s’emparer de cette toute jeune technique. Ceci exigeait de la part de ces opérateurs une grande maîtrise du procédé complexe et lourd, d’autant plus qu’ils tiraient en partie leurs photos sur place.
Pourquoi aujourd’hui ce procédé est relativement inconnu du public ? Quentin Bajac, co-commissaire de l’exposition l’explique ainsi : « L’engouement pour la nouvelle technique fut en effet à la fois intense et relativement bref : il dura un peu plus de deux décennies, le procédé tombant progressivement en désuétude dans les années 1920 et 1930. L’autochrome traversa par la suite une longue période d’oubli. Trop fragile, trop difficile à exposer, non reproductible, elle fut pendant longtemps l’un des grands délaissés de la photographie, telle une branche morte qui semblait n’avoir donné que de trop rares fruits. De cet abandon, l’autochrome a été tirée depuis deux décennies par quelques historiens et collectionneurs qui, à contre-courant, ont su en apprécier la finesse, la sensualité, l’étrangeté. »
Tous ces propos sont très justes. J’ajouterais en temps que collectionneuse qu’une plaque de verre est unique et fragile et peut se révéler un objet difficile. Pourquoi ? On la protège, on la met en boite. Et pour la voir, contrairement à un tirage papier que l’on peut exposer sur un mur, nous dépendons soit de la lumière du jour, soit d’un projecteur. Exposer l’autochrome, c’est donc aussi l’éclairer pour exposer sa matière si attractive qui, depuis sa création provoque l’émerveillement. C’est pourquoi le sous-titre de l’exposition « L’autochrome exposée » prend tout son sens. Nous bénéficions aujourd’hui de progrès décisifs comme les lumières LED, nouvelles sources d’éclairage qui ne chauffent pas et permettent de rétro-éclairer les autochromes. Autre avancée, l’utilisation de scans de très belle définition, comme les pratiquent aujourd’hui tous les musées et institutions culturelles. Les plaques autochromes, comme des diapositives, sont scannées sous forme de tirages transparents (procédé d’impression dénommé Duratrans adapté aux caissons lumineux à LED). Nous pouvons ainsi nous permettre de les agrandir pour mieux les exposer. La transparence étant le mot-clef, ces images projetées et rétro-éclairées selon un réglage très fin, offrent toute leur puissance, leur charme. Nous avons toutefois évité de montrer de trop grands formats dans l’exposition afin de garder la bonne distance et permettre d’apprécier au mieux l’image. D’autre part, nous tenons à le souligner car c’est une rareté dans une exposition, que nous avons consacré une salle entière aux plaques originales (plus d’une quarantaine). Afin de ne pas détériorer leur chimie, chacune est dotée d’un système d’éclairage par un bouton poussoir que chaque visiteur peut actionner.
Pourquoi et comment avez-vous décidé de collectionner les autochromes avec Soizic Audouard ? À quel moment avez-vous démarré la collection AN ?
Avec Soizic, nous avions l’habitude de fréquenter les brocantes, les petits salons de photographie, les ventes aux enchères, et nous avons commencé à repérer ces plaques de verre en couleurs, les autochromes. Lors d’une vente chez Artcurial en 2006, j’ai été totalement conquise par une plaque de l’artiste Paul Burty Haviland dont le Musée d’Orsay avait acquis le fonds auprès de la fille du photographe, Nicole Maritch-Haviland. Ce moment a été fondateur. J’ai pu remporter la plaque et voyant Soizic un peu émue à mes côtés, je lui ai proposé de faire une collection à nous deux, ce qui l’a enthousiasmée.
Au départ, nous n’avions d’autre critère que le choix d’un procédé développé entre 1907 et 1932 qui offre un éventail de toute sorte d’images, d’intérêt et de thèmes. Les thèmes se sont imposés ensuite. Nos choix dépendent souvent d’un intérêt formel ou émotionnel, d’une couleur que l’on trouve sublime, du regard d’un enfant qui nous émeut… Et d’autres choix s’imposent par leur intérêt documentaire. Nos sources sont diverses : hormis les brocantes ou les salles de vente, des marchands nous proposent éventuellement des pièces, nous allons à la Foire de Bièvre, sur ebay ou, plus rarement dans les grandes galeries comme Hans Kraus à New York pour lesquelles il faut casser la tirelire. Nous bénéficions d’un mouvement dans l’air du temps : la photo anonyme a été valorisée depuis ces quinze ou vingt dernières années. Elle a été introduite sur le marché grâce à des talents comme ceux de la Galerie Lumière des Roses qui en est devenu l’un des représentants.
Personnellement, je n’ai jamais cessé de regarder des images. Ceci remonte à mon enfance, car mon grand-père et mon père faisaient de la photo en amateur. Au cours des années 1980, j’ai beaucoup appris en travaillant aux éditions Christian Bourgois où j’assistais le directeur de la fabrication et où je collaborais aux choix des couvertures des ouvrages. L’éditeur m’a donné ensuite carte blanche pour concevoir le catalogue des éditions pour la Foire de Francfort. C’est à travers les livres de photos et de peintures, mais également la littérature, que mon œil s’est formé. J’ai parallèlement collaboré avec un graphiste, Michel Duchesne, à l’identité visuelles de films (Le Dernier Empereur, Détective…), de la plaquette de présentation à l’affiche. Ensuite, j’ai créé en 1991 avec Vanessa van Zuylen la revue L’Insensé, pensé initialement comme une publication pluridisciplinaire puis qui s’est progressivement consacrée exclusivement à la photographie en 2000. Pendant toutes ces années, j’ai continué à former mon regard. Ces expériences m’ont aidée dans les années 2000 à participer à la constitution la collection de photographie contemporaine de la Fondation Neuflize-Vie, à être commissaire de deux expositions de photos à la MEP et de collaborer à des ouvrages aux éditons du Regard.
Soizic Audouard s’est formé un œil très sûr dans un parcours professionnel différent du mien. Elle a travaillé avec le grand galeriste Claude Givaudan et le commissaire-priseur Guy Loudmer. Elle-même avait repris la galerie Berggruen. C’est une vraie professionnelle, très bonne connaisseuse du marché de l’art moderne, devenue au fil du temps une importante collectionneuse, nourrie par son expérience de galeriste, de gestionnaire de fonds artistique et de marchande d’art. Sous son impulsion, notre collection a été inventoriée, documentée, bref, professionnalisée.
Il n’y a pas de collection comparable à la nôtre : soit ce sont des collections qui proviennent en majorité de dons ou de commandes (comme la collection Albert Kahn). Les images que nous proposons sont nos choix. La collection AN est celle d’un double regard, de deux visions individuelles qui se mêlent, se confrontent et se confortent.
1, 2, 3... COULEUR ! L’AUTOCHROME EXPOSÉE Jusqu’au 28.05.2023
Une exposition conçue et organisée par le Jeu de Paume, en collaboration
avec la Collection AN, la Médiathèque du patrimoine et de la photographie, et la Ville de Tours.
CHÂTEAU DE TOURS
25 avenue André-Malraux 37000 Tours
02 47 21 61 95 www.tours.fr
https://jeudepaume.org
Deux expositions m’ont particulièrement éblouie ces dernières semaines : « Alice Neel, un regard engagé » au Centre Pompidou et « Walter Sickert, peindre et transgresser » au Petit Palais. Apparemment, rien de commun entre ces deux propositions, ni l’époque -Alice Neel a pratiquement traversé le XXe siècle (1900-1984) alors que Walter Sickert (1860-1942) est mort pendant la deuxième guerre mondiale-, ni l’esthétique -les couleurs de Sickert sont souvent ouatées, ses traits parfois troublés lorsque Neel appuie les formes et affirme les couleurs. Pourtant, ces deux artistes se rejoignent plus que l’on ne pourrait l’imaginer. L’un aurait peut être influencé l’autre. Exercice périlleux que de tenter ces comparaisons, qui ne prétendent en aucun cas une approche exhaustive ou savante des deux œuvres. En dégageant leurs points communs, il s’agit de présenter ce qui, pour moi, a constitué à travers ces deux expositions, deux magnifiques découvertes. Je ne connaissais avant ces visites ni Alice Neel, célèbre aujourd’hui aux États- Unis mais encore trop peu connue ici, ni Walter Sickert dont la reconnaissance tardive en France est due en grande partie à l’investissement de Delphine Lévy, trop tôt disparue, à qui le Petit Palais dédie l’exposition.
Liberté et trangression
Tous deux ont eu besoin très tôt de s’affranchir des conventions pour découvrir un monde qui leur correspondrait. Walter Sickert, à la personnalité originale et énigmatique, est attiré par le théâtre où sa brève carrière d’acteur lui donnera le goût du jeu et du déguisement et constituera le décor de tableaux magnifiques. La culture populaire l’attire tout comme Alice Neel est concernée par des personnes à la marge et dans la souffrance : elle est l’une des premières à peindre des hommes et des femmes noirs, elle aime les voyous d’Harlem, les immigrés latino-américains et portoricains, la singularité des écrivains et des artistes du Village newyorkais, l’éventuelle excentricité des homosexuels et des travestis. « En politique et dans la vie, j’ai toujours aimé les perdants, les outsiders. Cette odeur du succès, je ne l’aimais pas », a -t-elle affirmé. Sickert aime transgresser et provoquer, Neel veut « saisir la vie comme elle va, sur le vif », soucieuse de dénoncer les injustices et les inégalités.
Les nus sont très présents chez Sickert comme chez Neel. Pour le premier, il s’agit d’aller à l’encontre du « puritanisme lubrique », de dépasser la tradition des nus académiques présentés à Londres à la fin de l’époque victorienne. Formé par James Whistler, influencé par Courbet, Manet, Degas ou Bonnard, Sickert devient un pionnier du nu moderne en Angleterre. Les corps, éventuellement distordus, aux visages presque effacés, sont mis en scène dans des décors qui évoquent souvent la misère sociale, la prostitution voire le crime (on pense à la série de « l’Affaire Camden Town », illustrant les meurtres de Jack l’Éventreur, figure à laquelle le peintre aimait s’identifier au point que des thèses sans fondement l’ont désigné comme éventuel suspect de ces meurtres). Sickert s’affirme dans la transgression de la morale dominante de son époque sans prétendre pour autant à une démarche engagée, contrairement à Alice Neel qui revendique l’acte de peindre comme une recherche de vérité, comme un acte politique. Sympathisante du Parti communiste au milieu des années 1950, elle sera surveillée et interrogée par le FBI. Elle peint des hommes et des femmes nus, tels qu’en eux-mêmes, sans concession, montrant des hommes alanguis, exposant leur sexe comme Sickert (et tant d’autres) présente le sexe de femmes découvert. Neel inverse ainsi la représentation traditionnelle du féminin et du masculin. À un siècle de différence, ils ont tous deux bouleversé les canons traditionnels du nu dans la peinture.
Portraits
Le portrait occupe une place de choix dans les deux expositions.
Pour Walter Sickert, l’approche du portrait coïncide avec une période de soucis financiers qui fait suite à sa séparation d’Ellen Cobden, sa première épouse. Ses nombreuses infidélités ont eu raison de son mariage ! Le peintre espère trouver une source de revenus en acceptant des commandes de portraits. Hélas, si les commandes affluent, le peintre ne respecte pas forcément le contrat, ne proposant pas toujours un rendu flatteur de ses modèles. En revanche, il peindra ses proches, personnalités du monde artistique français et anglais, avec plus de liberté, nous proposant des portraits très forts qui documentent l’époque. Ce sont ses frendship portraits qu’il offrait à ses amis.
« Peindre l’âme. » Ainsi s’intitule la section consacrée aux portraits de l’exposition Sickert. Elle pourrait également parfaitement convenir à Alice Neel. Même si celle-ci déclare : « Je hais l’usage du mot portrait », elle est considérée comme l’une des plus grandes portraitistes de son temps. Comme l’écrit Anaël Pigeat : « ses tableaux vont au fond de l’âme de ceux qu’elle représente. »[1]Plutôt que le terme « portrait », Alice Neel aime parler d’« images de gens » (pictures portraits), comme Agnès Varda qualifiait de « vrais gens » ceux qu’elle filmait. « Je suis une collectionneuse d’âmes », dit-elle. Elle fait poser des amis, des personnalités, des femmes, beaucoup de femmes, proches ou moins proches, dont sa mère ou sa fille. Mère de quatre enfants, deux filles (dont l’une a été emportée très tôt par la diphtérie) et deux garçons, Neel a beaucoup peint la maternité en prenant pour modèle ses amies ou ses belles-filles. Ses portraits de femmes nues ou celui de la féministe Kate Millet qui a fait la une du Times Magazine en 1970 ont fait d’elle une icône du mouvement des femmes. Tout en n’ayant jamais revendiqué un art spécifiquement féminin, elle a affirmé : « J’ai toujours voulu peindre comme une femme, mais pas comme le monde oppressif et ivre de pouvoir pensait qu’une femme devait peindre ». Et on compte parmi ses modèles nombre de représentantes de la cause féministe.
Notoriété et postérité
Partageant sa vie entre l’Angleterre et la France, Dieppe en particulier, Sickert est régulièrement exposé en France à partir de 1900, Durand-Ruel et surtout Bernheim-Jeune étant ses deux marchands. Jusqu’en 1913, sa participation à la vie artistique anglaise s’exprime plutôt à travers des activités de critique d’art et d’enseignement, tout en fondant des groupes de jeunes artistes. Lorsqu’il participe à l’exposition Post-Impressionist and Futurist à Londres en 1913, il est présenté comme l’équivalent anglais des « intimistes » français. À partir de 1931, il devient l’un des artistes anglais les plus reconnus, exposé régulièrement dans les galeries londoniennes jusqu’à intégrer la respectueuse Royal Academy dont il démissionnera avec fracas en 1935. Ses tableaux tardifs, qui incluent souvent l’utilisation de photographies ou d’images préexistantes, font de lui un précurseur, ce procédé, dit de transposition, se banalisant ensuite chez Andy Warhol ou Gehrard Richter. Et plus qu’un précurseur, Sickert est selon Martin Hammer dans le catalogue de l’exposition un « influenceur (…) Continuellement et de bien des manières, depuis le début du XXe siècle et encore de nos jours, son art a marqué des générations d’artistes ». Témoins David Hockney, son ancien élève qui affirme « Sickert était le grand Dieu » ou Francis Bacon et Lucian Freud qui lui doivent indéniablement « leur franchise sexuelle dans le traitement des nus » toujours selon Martin Hammer[2].
Lisa Ticker affirme dans ce même catalogue qu’Alice Neel pourrait avoir été influencée par Walter Sickert… « Loin des modes et des entraves, libre et sans relâche, elle a vécu comme elle a peint » résume Anaël Pigeat pour décrire l’itinéraire de celle qui s’est ainsi définie : « Après tout, je représente le siècle. Je suis née en 1900 et j’ai essayé de saisir l’esprit du temps.[3] » Alice Neel a capté avec acuité et profondeur son époque et il est frappant en parcourant l’exposition du Centre Pompidou de constater combien, presque quarante ans après sa mort, son regard et ses combats sont d’une actualité brulante.
Alice Neel, un regard engagé », Centre Pompidou, jusqu’au 16 janvier 2023
« Walter Sickert, peindre et transgresser » Petit Palais, jusqu’au 29 janvier 2023
Le titre de la nouvelle exposition du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme m’intriguait. En cette année de célébration du centenaire de la mort de l’écrivain, je me demandais si mettre en avant un « Proust juif » avait un sens et surtout comment traiter un tel sujet à travers une exposition. Le résultat proposé a annulé tous mes doutes. C’est une très belle exposition, tant par la richesse des œuvres qu’elle propose que par son argumentation.
Jeanne Proust, née Weil d’une famille juive alsacienne parfaitement intégrée, a donné à son fils Marcel une double ascendance puisque Adrien Proust, son mari, était issu d’une famille d’Eure et Loir tout ce qu’il y a de plus catholique française. De cette union sont nés Marcel et son frère Robert.
« Vous pouvez deviner dans quelle détresse je me trouve, vous qui m’avez vu toujours les oreilles et le cœur aux écoutes vers la chambre de Maman où sous tous les prétextes je retournais sans cesse l’embrasser, où maintenant je l’ai vue morte, heureux d’avoir pu ainsi l’embrasser encore. Et maintenant la chambre est vide, et mon cœur et ma vie. » C’est en ces termes que Marcel Proust évoque à l’un de ses correspondants la mort de Jeanne. C’est dire l’amour éprouvé du fils pour celle qu’il appelle Maman. Il entreprend la rédaction de sa grande œuvre À la Recherche du temps perdu en 1905, l’année même de la mort de sa mère en imaginant qu’il serait « si doux avant de mourir de faire quelque chose qui aurait plu à Maman. »
Ainsi ce « côté de la mère » va-t-il nous être proposé, non pas d’un point de vue psychanalytique (comme l’ouvrage de Michel Schneider Maman l’étudiait) mais au prisme d’une figure littéraire, la mémoire involontaire, qui, selon Isabelle Cahn, commissaire de l’exposition, constitue chez Proust une méthode d’écriture qui fait ressurgir un passé vivant dans le présent, s’inscrivant comme le sujet même de son œuvre. Sans affirmer que La Recherche soit le reflet de la part juive de Proust, nous comprenons à travers le parcours proposé, comment l’identité complexe de l’auteur « se manifeste le plus souvent de façon implicite, et même cryptée, à travers des personnages juifs, la question de l’antisémitisme ou encore sa vision de l’homosexuel, alter égo du juif dans l’opprobre, voire dans la persécution », pour reprendre les mots de la présentation de l’exposition.
Le parcours s’attache à montrer les parallèles volontaires ou involontaires des sources de La Recherche avec la tradition juive. Comme de constater, à la vision d’un manuscrit de Proust, combien les développements dans les marges peuvent être comparés aux transcriptions du Talmud qui, « à l’image des paperoles déployées autour du texte central, en éclairent et complètent le sens. » Autre indication : l’intérêt de Proust pour le Zohar dit Le Livre des splendeurs, œuvre maîtresse de la Kabbale (une tradition ésotérique du judaïsme présentée comme la prétendue « loi orale et secrète », pendant de la Torah, « loi écrite et publique »). Ce courant de pensée mystique et méthode d’approche de la connaissance n’est pas sans rappeler la notion de souvenir enfoui révélé de manière involontaire par une sensation, tel que Proust le développe dans son œuvre (nous pensons à la fameuse madeleine…). L’auteur fait explicitement référence au Zohar à l’évocation d’un voyage à Venise qu’il avait entrepris en 1900 avec sa mère sur les traces du critique d’art et esthète John Ruskin qui le passionnait : « Zohar, ce nom est resté pris entre mes espérances d’alors, il recrée autour de lui l’atmosphère où je vivais alors, le vent ensoleillé qu’il faisait, l’idée que je me faisais de Ruskin et de l’Italie. L’Italie contient moins de mon rêve d’alors que ce nom qui y a vécu. »
Troisième référence de Proust à une thématique juive, celle faite à la reine Esther, héroïne biblique à laquelle l’exposition fait une place importante. Jeanne Proust accordait un attachement tout particulier à cette figure, en particulier à sa version théâtrale créée par Racine à laquelle Sarah Bernhardt prêta son talent. Jeanne aime échanger avec son fils les répliques de Racine et ils vont savourer ensemble la musique de Reynaldo Hahn composée pour cette tragédie, lorsque le musicien et amant de Proust viendra en donner une « petite présentation en famille » un soir d’avril 1905. Dans la Bible, le Livre d’Esther, lu au moment de la fête des Sorts ou fête de Pourim, s’achève par le sauvetage du peuple juif par la Reine, dès lors qu’elle révèle son identité juive cachée jusque-là au Roi Assuérus. Cette dissimulation, matérialisée par déguisements et masques lors des bals de Pourim, évoque l’identité « compliquée » des personnages juifs dans l’œuvre de Proust, écartelés entre leurs origines et leur assimilation dans la société. Et si le mariage d’Esther avec Assuérus était, à l’instar de l’alliance de Jeanne avec Adrien Proust, l’image symbolique d’un « mariage mixte » ?
La position de Marcel Proust face à l’Affaire Dreyfus marque un autre moment de proximité avec sa mère. Sa judéité s’impose alors, non comme une revendication ou une révélation, mais comme un engagement, tout comme pour son frère Robert et sa mère : ils sont dreyfusards alors qu’Adrien Proust a choisi l’autre camp. Désigné pour la première fois comme « juif » par Édouard Drumont après qu’il ait signé en faveur de la révision du procès de Dreyfus, Proust sera lié à plusieurs cercles dreyfusards et fera d’innombrables références à l’Affaire dans son œuvre.
L’exposition s’efforce d’analyser les caractéristiques des personnages juifs de La Recherche et nous convînt de dépasser les reproches souvent faits à Proust quant à ses descriptions caricaturales voire antisémites. « Les descriptions expriment certains préjugés de l’époque -vulgarité, avarice, servilité, avarice – et non l’opinion de l’écrivain », nous explique-t-on. A contrario du personnage de Bloch qui incarnerait la face odieuse du Juif, celui de Swann serait son opposé, à l‘image de l’un de ses modèles, l’historien et critique d’art Charles Ephrussi. Ce dernier fut un grand collectionneur et mécène des meilleurs artistes de son temps, tels Renoir ou Manet dont nous pouvons admirer le fameux tableau, L’Asperge, qu’il avait offert à son mécène.
Proust n’a jamais avoué publiquement qu’il était juif par peur des attaques antisémites. Pourtant, il a déclaré à Emmanuel Berl : « Ils ont tous oublié que je suis juif, pas moi. » Il écrira à son ami Robert de Montesquiou, inspirateur en partie du personnage du Baron Charlus, avec qui il entretient des relations compliquées, les mots suivants : « Si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre ma mère est juive. Vous comprenez que c’est une raison suffisante pour que je m’abstienne de ce genre de discussions (…) vous auriez pu me blesser involontairement. » Si l’on peut comparer le judaïsme de Proust à une sorte de « marranisme », une manière cachée de vivre son identité juive, on peut considérer son homosexualité comme un secret. Désignée à l’époque comme une « inversion », l’homosexualité est encore considérée comme un délit. Aussi, Proust ne révélera jamais officiellement ses relations avec, entre autres, Reynaldo Hahn, Lucien Daudet ou son chauffeur et secrétaire Alfred Agostini. Honte, discrétion, dissimulation, exclusion, autant de postures et de sanctions dans lesquelles se rejoignent Juifs et homosexuels au temps de Proust.
À la faveur de prêts d’œuvres remarquables, l’exposition nous immerge dans les lieux chers à l’auteur dont il fera le décor de nombreuses scènes de son œuvre. Une toile de Caillebotte nous évoque les appartements familiaux du VIIIe et XVIIe arrondissements de Paris, des tableaux de Boudin, Monet, René François Xavier Prinet ou Helleu nous transportent dans les séjours normands de Proust mais aussi au cœur de « l’intelligentsia juive » et des salons de l’aristocratie de la Belle Époque qui lui inspirent des situations et des personnages de La Recherche. L’actualité des Ballets Russes de Diaghilev à Paris et la fièvre qui entoure ses représentations illustrent son intégration dans cette haute société parisienne. Ce sera pour Proust l’occasion de croiser artistes et créateurs mais aussi de faire la connaissance de figures incontournables de l’époque comme Misia, ex-femme du créateur de la Revue Blanche, Thadée Nathanson, devenue Madame Edwards avant d’être Misia Sert. Ce personnage époustouflant, surnommée «Reine de Paris », muse et mécène, inspirera l’écrivain.
En conclusion à l’exposition, nous découvrons Marcel Proust sujet d’articles dans des revues sionistes des années 1920, notamment sous la plume d’André Spire ou d’Albert Cohen. Le critique Albert Thibaudet estime que « Proust, comme Montaigne ou Bergson, « infuse » une note de sang juif dans notre histoire littéraire ». On ne saurait mieux dire.
MARCEL PROUST, DU COTE DE LA MERE Du 14 avril au 28 août 2022
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme mahj.org
À noter : L’exposition simultanée du Petit Palais consacrée au peintre Boldini, proche de Degas et ami de Proust, portraitiste magnifique du Paris de la Belle Époque à qui l’on doit, entre autres, le fameux portrait de Robertde Montesquiou, fait écho à l’exposition du mahJ.