Coups de coeur d’automne


Quartier de Byker, Newcastle upon Tyne, Royaume-Uni, 1977© Martine Franck / Magnum Photos


Courez à la Fondation Henri Cartier Bresson toute nouvellement installée dans une cour redécouverte du Marais, au 79 rue des Archives. Cette nouvelle adresse dédiée à la photographie offre à la Fondation des espaces d’expositions mieux adaptés, plus vastes que ceux de l’Impasse Lebouis dans le  XIVème  arrondissement,  permettant de surcroit la conservation et la consultation des archives sur place. La Fondation HCB new look se devait, pour son exposition inaugurale, d’ouvrir ses salles au travail de Martine Franck, qui fut de 1970 à sa mort, en 2012, l’épouse d’Henri Cartier-Bresson. C’est elle qui a initié la Fondation HCB en 2003 avec la complicité de son époux et de leur fille Mélanie et a souhaité son développement dans de nouveaux locaux. C’est donc tout naturellement qu’Agnès Sire, directrice historique de la Fondation et aujourd’hui sa directrice artistique -elle a passé le flambeau de la direction de la maison à François Hébel- a conçu cette belle exposition rétrospective et la monographie qui l’accompagne (aux éditions Xavier Baral). L’ensemble avait été entrepris en 2011 avec Martine Franck elle même.

Le parcours dans l’oeuvre de la photographe restitue son merveilleux talent de portraitiste d’une part et de reporter d’autre part. Elle a aimé photographié des anonymes mais aussi des écrivains et les intellectuels  (parmi eux Albert  Cohen, Hervé Guibert, Yves Bonnefoy, Michel Leiris, Michel Foucault, Lili Brik…), des artistes (Henry Moore, Ousmane Sow, Balthus, Léonor Fini et son chat, Diego Giacometti…), des acteurs, réalisateurs ou metteurs en scène (Agnès Varda, Charles Denner, Ariane Mnouchkine, les acteurs du Théâtre du Soleil qu’elle a connu dès les débuts de la troupe…). Elle nous offre également de très beaux portraits de photographes : Henri Cartier-Bresson, tout d’abord, dont les portraits sont rares, mais aussi Saul Leiter, Sarah Moon, Bill Brandt, David Goldblatt… Enfin, nous sommes saisis par la beauté et la force des paysages qu’elle photographie au gré de ses voyages, en Irlande, en Angleterre, en France, en Inde, au Tibet, en Chine ou au Japon. Pour elle, selon Agnès Sire, « photographier le paysage fut un art de l’enracinement, un exercice de méditation, loin des approches topographiques systématiques, une pratique de la forme et de la lumière ». Un enchantement….

La comédie musicale est à l’honneur en cette période de fin d’année.
La Philarmonie de Paris lui consacre une grande exposition jusqu’au 27 janvier et plusieurs ouvrages paraissent simultanément.

Celui qui retient notre attention est le Dictionnaire de la Comédie Musicale d’Isabelle Wolgust. L’auteur propose une plongée dans le genre, de A à Z, comme tout dictionnaire, mais sa spécificité tient à ses choix subjectifs et à sa richesse documentaire. Isabelle Wolgust nous prévient dès l’avant propos : elle est résolument « du côté des comédies musicales qui dansent », s’efforçant toutefois de tendre à l’exhaustivité. Elle s’intéresse majoritairement aux comédies musicales américaines mais pas uniquement puisque des réalisateurs comme Jacques Demy ou Christophe Honoré sont présents, tout comme Chantal Akerman; elle consacre par ailleurs tout un chapitre aux relations compliquées de la comédie musicale avec le cinéma français.  

Les implications de l’ouvrage sont à la fois historiques (présenter au moins un film par décennie), économiques (le rôle dominant des studios, la place du cinéma dit « indépendant ») et sociaux (quel miroir social tend telle comédie musicale ?). Les dossiers de fond sont passionnants, en particulier ceux consacrés à la thématique queer et la place de l’homosexualité ou encore à l’influence de l’immigration juive dans la comédie musicale. Isabelle Wolgust nous montre comment les communautés juives immigrés aux Etats Unis depuis 1840 influenceront considérablement le cinéma en général et la comédie musicale en particulier, que ce soient les scénaristes (le duo Betty Comden et Adolph Green pour Singin’ in the Rain ou Beau fixe sur New York, Ernest Lehmanpour La Mélodie du Bonheur, West Side Story ou Hello Dolly !, Allan Jay Lerner pour Un Américain à Paris… ), les réalisateurs ( Billy Wilder, qui écrira quelques comédies musicales pour les autres), les acteurs (Sophie Tucker, Fanny Brice puis Barbra Streisand…) et bien sûr les traditions musicales comme le klezmer et nombre de compositeurs dont Georges et Ira Gershwin, Irving Berling ou Léonard Bernstein.

Demi-Veronique1© Jean-Louis Fernandez.

Vous avez encore quelques jours pour assister au spectacle tellement fort et singulier de Jeanne Candel, Demi-Véronique, à l’affiche du Théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 17 novembre. Sur scène pendant une heure dix, Lionel Dray, Caroline Darchen et Jeanne Candel proposent «une épopée musicale et théâtrale dans un univers calciné, une maison ravagée par le feu », en écho à la cinquième symphonie de Gustav Mahler. 

Sommes nous vraiment sûrs de ce à quoi nous allons assister lorsqu’on lit dans le programme, la définition de l’énigmatique titre Demi-Véronique ? : « en tauromachie la Demi-Véronique est le nom d’une passe durant laquelle le torero absorbe le taureau dans l’éventail de sa cape, le conduit dans une courbe serrée jusqu’à sa hanche, en contraignant l’arrêt de sa charge. Comme le soupir en musique, c’est une pause, une suspension à partir de laquelle tout peut recommencer ou se transformer. ». 

En effet, c’est bien à une suspension du réel que nous assistons. La musique s’est substituée à toute parole. Nous sommes transportés de tableaux en petites scènes, de délires parodiques à loufoqueries poétiques. Soutenus par une scénographie extrêmement ingénieuse, le couple improbable formé par Lionel Dray et Caroline Darchen, formidables comédiens, bateleurs, mimes, clowns, acrobates, nous fait rire et nous touche. Ils sont amoureux, pêcheurs énervés d’un poisson résistant, sauveurs d’un coeur lourd en peluche, appareillés par des oreilles géantes… Jeanne Candel, impérieuse dans une sorte de kimono hors du temps, parvient, seulement par le jeu ses cheveux mouillés et blanchis et par l’envol de ses manches gigantesques, à donner au spectacle une dimension étrangement belle et tragique. Pourquoi sommes nous cueillis par cet ensemble apparemment incohérent, voire gratuit par instants. 

Parce que sans doute ce travail puise sa force dans ce pourquoi nous sommes venus : le théâtre. C’est vraiment du théâtre !

Exposition Martine Franck jusqu’au 10 février 2019

Fondation Henri Cartier Bresson nouvelle adresse : 79 rue des Archives 75003 Paris  http://www.henricartierbresson.org/

Dictionnaire de la Comédie Musicale par Isabelle Wolgust, éditions Vendémiaire, en librairie

Théâtre des Bouffes du Nord – 37 (bis), bd de La Chapelle, 75010 Paris

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